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EDITORIAL – Les petits plaisirs sociaux de la vie disparaissent

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MONTREUXCes dernières années, les changements technologiques ont été immenses dans nos sociétés occidentales, Uber est probablement l’entreprise qui a le plus révolutionné notre monde. Des prix plus bas que les taxis, parfois dans certaines villes si vous êtes plusieurs même plus bas que le prix des transports en commun, une grande facilité pour commander une voiture et payer sans échange de monnaie font de cette plateforme un service génial. De plus en plus de personnes n’achètent plus de voitures et se tournent vers Uber. C’est tout simplement une immense innovation. 

Mais à chaque trajet avec Uber vous aurez à faire à un conducteur différent. Autrement dit, il est impossible de créer une relation à long terme avec un conducteur Uber. Alors qu’avec un chauffeur taxi vous pouvez nouer une relation peut-être même d’amitié. Il suffit d’avoir son numéro de téléphone et de l’appeler quand vous avez besoin.

L’objectif d’Uber en terme économique est d’augmenter la valorisation des actifs (assets en anglais), au lieu que la voiture “dorme” au garage ou que le chauffeur de taxi passe son temps à attendre, Uber permet d’optimiser et de valoriser l’actif qu’est la voiture. Autrement dit, Uber n’a aucun objectif social mais uniquement financier, autant pour le client qui veut se rendre d’un point A à B que le chauffeur qui veut gagner sa vie. Uber optimise et fluidifie le processus grâce à sa plateforme, c’est pourquoi il s’agit d’une innovation. Certains diront une innovation disruptive, d’autres vont se montrer plus critiques pour utiliser cette définition inventée par un professeur d’Harvard.

Et le contact social?

On le voit Uber n’est pas génial pour nouer une relation sur le long terme. J’ai la chance d’avoir grandi et vécu jusqu’à environ 30 ans en Suisse (pays considéré comme riche), habité entre l’année passée et cette année 6 mois aux Etats-Unis (également considéré comme riche) et au Brésil (pays considéré comme étant à revenu intermédiaire, plutôt pauvre) depuis plus de 6 ans.


J’arrive à bien comparer ces différentes économies.

Vendeurs de journaux

Aux Etats-Unis, à San Francisco en tout cas, vous ne trouverez plus de vendeurs de journaux (ils ont fermé), ou extrêmement peu. Chacun est désormais seul avec son smartphone. En Suisse aussi les kiosques ont de la peine. Par contre à Sao Paulo où je vis au Brésil vous avez (encore) un kiosque à chaque coin de rue et assez régulièrement je discute football avec le vendeur de journaux, très agréable ce contact social.

Au Brésil vous n’avez pas de station essence self-service, donc à chaque fois que vous faites le plein une personne vous aide et l’occasion d’une éventuelle petite discussion. Dans les bus brésiliens aussi vous avez encore un contrôleur de billet, autre possibilité de communiquer. Je pourrais multiplier les exemples.

Portier

Puis dans la plupart des immeubles (presque tous) au Brésil vous avez un portier, là aussi je ne compte plus les nombreux moment agréables avec mon portier. Un noir (pour le décrire, rien de raciste dans cette observation) d’une bonne cinquantaine d’années qui a 6 enfants, j’ignore avec combien de femmes différentes…On a refait le monde sur le football brésilien.

Bref, vous l’aurez compris, dans les économies dites avancées on est en train progressivement de détruire du lien social pour différentes raisons : salaires trop élevés en Suisse qui forcent à l’automatisation, orientation de la Suisse et les Etats-Unis vers des services à valeur ajoutée et envie de gagner toujours plus d’argent (croissance), etc.

Bien sûr, certains diront que le Brésil peut se permettre à cause d’un salaire minimum très bas (environ CHF 250.- par mois) et donc d’importantes différences de salaires entre riches et pauvres. Dans des pays comme la Suisse avec un salaire minimum d’environ CHF 3’000.- et une force classe moyenne les choses seraient peut-être impossibles. Mais une chose est sûre, notre monde est complexe et les économies avancées ont aussi leurs problèmes comme un taux de suicide élevé et de nombreux troubles psychiatriques.
Aucun pays n’est parfait.


Peut-être que les politiciens devraient financer certains services comme des kiosques ou autres acteurs du lien social même à perte un peu comme on fait avec les paysans, d’un côté cela coûterait en impôts mais de l’autre cela réduirait les coûts des maladies psychiatriques (dépression, anxiété) provoqués par l’automatisation croissante.

Le 23 août 2016. Par Xavier Gruffat

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Observação da redação: este artigo foi modificado em 23.08.2016

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