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Essor de la relation « herbivore » : les Japonais sont de plus en plus nombreux à être célibataires

TOKYO – Au Japon, la proportion de célibataires a augmenté de façon spectaculaire au cours des trois dernières décennies. En 2015, une femme sur quatre et un homme sur trois dans la trentaine étaient célibataires et la moitié des célibataires disent ne pas s’intéresser aux relations « carnivores », c’est-à-dire la vie de couple romantique où les partenaires sont très actifs et entreprenants au niveau des relations amoureuses. Les experts en santé publique de l’université de Tokyo ont constaté que les personnes qui se désintéressent de ce type de relation sont plus susceptibles d’avoir des revenus plus faibles et moins d’éducation que leurs pairs en quête de romantisme, ce qui pourrait indiquer que des facteurs socio-économiques sont à l’origine de la stagnation du marché des rencontres au Japon. Ces résultats ont été publiés dans le journal PLOS ONE (DOI : 10.1371/journal.pone.0241571) le 09 novembre 2020.

Les médias japonais ont qualifié l’augmentation très controversée de la virginité et le prétendu déclin de l’intérêt pour les relations amoureuses et sexuelles de symptômes d’« herbivorisation » des jeunes générations. Dans la culture populaire, les adultes non mariés et apparemment désintéressés par la recherche de partenaires romantiques ou sexuels sont qualifiés d’être des « herbivores » tandis que ceux qui recherchent activement des partenaires romantiques sont appelés des « carnivores ». Selon le Dr Peter Ueda, expert en épidémiologie et dernier auteur des recherches publiées dans la revue PLOS ONE, ce phénomène d’herbivores, à la fois sa définition et même son existence réelle, fait l’objet de vifs débats depuis une décennie au Japon. Les données représentatives au niveau national font également défaut.

Essor de la relation « herbivore » : les Japonais sont de plus en plus nombreux à être célibataires

Des millions de célibataires supplémentaires


La nouvelle analyse a utilisé les données recueillies par l’enquête nationale sur la fécondité au Japon, un questionnaire conçu et mis en œuvre environ tous les cinq ans entre 1987 et 2015 par l’Institut national japonais de recherche sur la population et la sécurité sociale.

Le Japon n’a pas encore instauré l’égalité du mariage pour les couples homosexuels et la formulation de l’enquête ne pose explicitement que des questions sur les relations hétérosexuelles. Selon l’équipe de recherche, les personnes non hétérosexuelles interrogées dans le cadre de l’enquête seraient cachées dans les données, répondant probablement comme célibataires et non intéressées par une relation, quelle que soit la façon dont elles préfèrent se décrire.

En 2015, le Japon comptait 2,2 millions de femmes et 1,7 million d’hommes célibataires de plus, âgés de 18 à 39 ans, qu’en 1992. En 1992, 27,4 % des femmes et 40,4 % des hommes de 18 à 39 ans étaient célibataires. En 2015, 40,7 % des femmes et 50,8 % des hommes de la même tranche d’âge étaient célibataires.

L’équipe de recherche pense que le nombre plus élevé d’hommes célibataires pourrait être dû au fait que les femmes, en moyenne, sortent avec des hommes plus âgés qu’elles, de sorte que beaucoup de leurs partenaires masculins avaient plus de 39 ans et se trouvaient donc en dehors de la tranche d’âge étudiée. D’autres facteurs pourraient contribuer à cette situation : la population totale des 18 à 39 ans au Japon compte plus d’hommes, les hommes étant plus susceptibles de sortir avec plus d’une partenaire, ou encore les différences dans la façon dont les hommes et les femmes déclarent leur propre statut relationnel.

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Les célibataires sont plus nombreux au Japon qu’en Grande-Bretagne ou en Amérique

Des enquêtes distinctes menées entre 2010 et 2018 en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Japon révèlent que, bien que des proportions similaires de femmes soient célibataires entre 18 et 24 ans, les Japonaises sont nettement plus nombreuses à rester célibataires en vieillissant. La proportion de femmes âgées de 18 à 24 ans et la proportion de femmes âgées de 35 à 39 ans qui sont actuellement célibataires étaient de 65,6 % et 24,4 % au Japon, de 41,5 % et 14,0 % en Grande-Bretagne, et de 62,6 % et 16,6 % aux États-Unis.

Le nombre d’hommes célibataires est plus élevé au Japon qu’en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, mais il diffère moins fortement de celui des femmes. Les données britanniques proviennent de l’enquête Natsal-3 de 2010 à 2012. Les données américaines proviennent de l’enquête sociale générale de 2012 à 2018.

Désintéressée par une relation maintenant, mais espérant toujours se marier un jour

L’augmentation constante du nombre de célibataires depuis 1992 au Japon est principalement due à la diminution des mariages, tandis que le nombre de personnes qui se décrivent comme « en couple” » est resté stable.

Le Dr Peter Ueda explique qu’après 30 ans, un individu est soit marié, soit célibataire. Très peu de personnes dans les tranches d’âge supérieures sont célibataires et en couple, c’est-à-dire en union libre. On pourrait ainsi supposer que la promotion du mariage en tant que forme de relation entre adultes la plus socialement acceptable a créé un obstacle à la formation de relations romantiques au Japon.

Dans l’enquête de 2015, des questions de suivi ont été posées aux célibataires pour savoir s’ils étaient intéressés ou non par la recherche d’une relation. Plus de la moitié des célibataires qui se sont déclarés désintéressés par une relation ont déclaré qu’ils espéraient toujours se marier un jour, soit 62,9 % des femmes et 65,7 % des hommes.

Les jeunes Japonais sont plus nombreux à se déclarer désintéressés par les relations. Environ un tiers des femmes (37,4 %) et des hommes (36,6 %) âgés de 18 à 24 ans se sont décrits comme célibataires et non intéressés par une relation. Seulement 1 femme sur 7 (14,4%) et 1 homme sur 5 (19,5%) âgés de 30 à 34 ans se sont décrits comme célibataires et désintéressés.

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L’emploi et l’éducation augmentent l’éligibilité au mariage

Chez les hommes, un revenu inférieur était fortement associé au fait d’être célibataire, bien que cela ne représente pas nécessairement une causalité. Si l’on transfère un million de dollars sur leur compte bancaire à l’heure actuelle, il n’est pas certain que les personnes célibataires seraient plus intéressées par un changement de leur statut de couple. Cependant, il ne serait pas exagéré de penser que des revenus plus faibles et un emploi précaire constituent des désavantages sur le marché japonais des rencontres, toujours d’après le chercheur.

Quel que soit leur âge, les hommes mariés ont plus de chances d’avoir un emploi régulier et ont des revenus les plus élevés. Alors que 32,2 % des hommes mariés avaient un revenu annuel d’au moins 5 millions de yens japonais (environ 48 000 dollars américains), cette proportion était de 8,4 %, 7,1 % et 3,9 % chez les personnes en couple, respectivement célibataires avec intérêts et célibataires sans intérêts.

« Le phénomène des « herbivores » peut être en partie une adversité socio-économique. Si les politiques gouvernementales s’attaquaient directement à la situation des populations à faible revenu et peu instruites, je pense que certaines personnes manquant de sécurité d’emploi ou de ressources financières pourraient avoir un nouvel intérêt pour les rencontres », a déclaré le Dr Haruka Sakamoto, expert en santé publique et co-auteur de la publication de la recherche.

En Europe et aux États-Unis, le mariage est souvent associé à des revenus et à un niveau d’éducation plus élevés chez les femmes et les hommes, mais on ne sait pas comment ces facteurs influencent l’intérêt des célibataires pour les relations amoureuses. Les effets économiques de la pandémie pourraient réduire encore davantage l’intérêt des jeunes adultes à s’engager dans une relation amoureuse.

Le Dr Peter Ueda ajoute que si le faible statut socio-économique contribue à cette diminution des rencontres au Japon, on peut supposer que le stress économique lié à la Covid-19 pourrait entraîner une diminution encore plus importante du nombre de personnes qui souhaitent vivre en couple dans le pays.

Le 20 novembre 2020. Par la rédaction de Romanvie. Photo illustration : © 2020 Pixabay

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Observação da redação: este artigo foi modificado em 20.11.2020

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